Alors que l’immense majorité des établissements financiers profile les clients et réalise le test d’adéquation ou du caractère adapté sur la base d’un score moyen de risque, une décision récente de la Commission des sanctions de l’AMF, puis un accord de composition administrative, fragilisent ces méthodes.
Le « profilage » d’un « client » dans le cadre de la fourniture d’un service d‘investissement, c’est à dire en substance vérifier si le produit est adapté ou approprié à ses besoins et à sa situation personnelle, peut prendre autant de formes qu’il y a d’établissements.
Une méthode est très largement répandue sur la place. Elle consiste à attribuer un nombre de points à chacune des réponses : plus la réponse traduit une volonté de s’exposer à un risque élevé et plus la note obtenue est importante. Ce système aboutit à une note globale, qui « lisse » les réponses du client, sans pouvoir, par construction, répondre nécessairement à toutes les informations figurant au questionnaire. Le client aura parfois pu apporter des réponses traduisant un risque élevé, parfois un risque plus faible, la note globale aboutissant à une moyenne.
Cette méthode s’oppose à une autre approche, qui consiste à privilégier un arbre de décision : le produit ou le service est adapté (ou approprié) lorsque, cumulativement, il correspond à toutes les réponses communiquées par le client. Il ne s’agit plus de retenir un score moyen de risque, mais le produit correspondant au plus petit « dénominateur commun » des réponses qui ont été apportées.
A la lecture de la décision rendue par la Commission des sanctions de l’AMF le 24 octobre 2022, l’on peut se demander si cette première méthode, du score moyen, a bien encore les faveurs de la Commission des sanctions.
Certes, il s’agissait de produits obligataires, souscrits de manière significative par des clients particuliers. Certes, certaines réponses des clients semblaient avoir été détournées. Certes, certaines contradictions dans ces réponses étaient flagrantes. Mais tout de même, au-delà des particularités de ce dossier, l’approche adoptée par la Commission des sanctions aboutit à considérer que certaines informations (tolérance au risque et appétence aux pertes évidemment, parmi d’autres) sont des critères « d’exclusion », justifiant d’interdire de proposer certains produits, même si le score moyen du client lui permettait d’y accéder.
Il est vrai que la réglementation (notamment, ESMA – Guidelines on certain aspects of the MiFID II suitability requirements, § 49 et s.) impose un contrôle de la cohérence des réponses données afin de détecter les éventuelles anomalies et incohérences des informations apportées par le client. Il semble toutefois que, pas à pas, la Commission des sanctions va au-delà et s’oriente vers une approche consistant à considérer qu’un produit qui est adapté ou approprié est un produit qui correspond de manière cumulative à l’ensemble des données fournies par le client (déjà en creux, au § 80 des Guidelines précitées).
Un récent accord de composition administrative AMF (accord compo. admi., 15 mars 2022, n° TRA-2022-02, 2ème grief § (iv)), semble prolonger cette lecture.
Attendons.
Il reste que ces éléments réunis incitent à retenir des critères de pondération pour certaines questions ou à ajouter des critères d’exclusion.