Depuis plus d'un mois, la Chine subit l'épidémie du COVID-19 engendrant des mesures strictes de confinement et la paralysie de nombreuses usines de production de matières premières ou de pièces, et les approvisionnements industriels en Europe et en France commencent à être affectés. Dans l’autre sens, certaines entreprises chinoises souhaitent suspendre leur approvisionnement en provenance d'Europe ou de France, puisqu'elles ne parviendront pas à les utiliser en raison de la fermeture de leurs usines ou du ralentissement de leurs activités. Enfin, les premiers foyers du virus COVID-19 en Europe et les mesures de confinements qui pourraient se multiplier, laissent craindre que certaines productions ou certains services ne puissent plus être assurés. Le mécanisme juridique qui permet d’échapper à la responsabilité liée à l'inexécution de ses obligations contractuelles est la force majeure. L’épidémie ou la pandémie apparaissent bien constitués à ce jour, selon le degré de contamination ou l’intensité des mesures de protections prises avec des événements :
- échappant au contrôle du débiteur de l’obligation,
- qui ne pouvait être prévue au jour de la conclusion du contrat et
- dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées.
En revanche, un acheteur chinois peut-il refuser de réceptionner des marchandises et donc de les régler, en raison du ralentissement de l'activité qu'engendre l'épidémie de virus COVID-19 en Chine, alors que techniquement, il pourrait prendre livraison de la chose ? Cette situation qui se produit en Chine depuis quelques semaines, pourrait se répéter en France et il convient donc de s'y préparer. De même, comment traiter les conséquences de l'annulation d'une manifestation et plus généralement d’une prestation, alors que la plupart des prestataires de services sollicités dans le cadre de son organisation peuvent avoir déjà fourni (à tout le moins partiellement) leurs services au moment de l'annulation ? Le donneur d'ordre peut-il invoquer la force majeure (ou le fait du prince) pour justifier le non règlement des prestations? En outre, pour les contrats qui sont conclus aujourd'hui, peut-on encore considérer que les perturbations liées à l'épidémie du COVID-19 ont encore un caractère imprévisible, caractéristique essentielle de la force majeure ? Ces premières difficultés doivent amener à anticiper dès maintenant les éventuelles conséquences du COVID-19 sur les relations contractuelles et à prendre certaines mesures:
- Interroger ses fournisseurs sur l'impact de l'épidémie sur leurs activités industrielles et celles de ses sous-traitants situés dans les zones géographiques affectées et sur les mesures mises en œuvre pour sécuriser les approvisionnements,
- Vérifier la teneur des clauses de force majeure incluses dans les documents contractuels en se penchant particulièrement sur une éventuelle exclusion ou inclusion des effets des épidémies et des pandémies dans des cas de force majeure,
- Vérifier les modalités et l'éventuel formalisme de déclaration de force majeure et analyser l'intensité des stipulations qui imposent à la partie affectée par un cas de force majeure, de prendre certaines mesures destinées à en limiter ses effets,
- Vérifier les clauses de dédits éventuelles,
- Constituer un dossier sur l’événement considéré que ce soit d’ailleurs pour le qualifier ou pour le disqualifier de sa nature de force majeure. La jurisprudence s’est en effet déjà prononcée sur le caractère imprévisible et/ou le caractère irrésistible – notamment au regard du nombre de cas – de certaines épidémies, pour leur dénier la nature de force majeure,
- Adapter la rédaction des contrats en cours de négociation en prévoyant les éventuels effets de l’épidémie dès lors que celle-ci étant aujourd’hui dans une certaine mesure prévisible, elle ne constituera a priori pas un cas de force majeure de droit. Il sera donc utile de "sortir" cette situation d'épidémie, des clauses de force majeure et d'en négocier dès à présent les conséquences avec son cocontractant.
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