Danske Bank, déjà confrontée à diverses investigations comme suite à des allégations de blanchiment d’argent, pourrait également faire l’objet de poursuites en France.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris a ouvert en octobre 2017 une enquête sur des transactions opérées entre 2008 et 2011 impliquant la filiale estonienne de Danske Bank soupçonnée de blanchiment d’argent. Depuis janvier 2018, la banque a le statut de témoin assisté. Cependant, dans une communication du 11 janvier 2019, Danske Bank révèle que le tribunal pourrait reconsidérer son statut. En effet, elle a été convoquée à une audition par le juge Renaud Van Ruymbeke annonçant un possible élargissement du périmètre des investigations qui pourraient porter sur un montant de transactions de 28 millions d'euros pour la période comprise entre 2007 et 2014.
Les investigations en cours au Danemark, en Estonie et en Grande-Bretagne portent sur 200 milliards d’euros de fonds douteux. Des investigations viennent aussi d’être lancées aux Etats-Unis : en novembre 2018, le Department de la Justice (DOJ) a demandé des informations sur les fonds ayant transité par des comptes bancaires aux Etats-Unis détenus chez Deutsche Bank, Bank of America, et J.P. Morgan Chase ; en janvier 2019, la Federal Reserve Bank (FED) a quant à elle ouvert une enquête en demandant des informations à Deutsche Bank sur les fonds en question. Dans le même temps, un membre de la Commission des Finances de la Chambre des représentants questionnait la Deutsche Bank sur les mesures prises par elle pour lutter contre le blanchiment d’argent.
Des mesures de contrôle apparemment déficientes
IL résulte des informations publiées dans la presse que la filiale estonienne de Danske Bank a effectué une série de transactions impliquant des centaines de clients résidant en-dehors de l’Estonie, dont un nombre non négligeable de clients « à risques ».
Dès 2014, l’alerte lancée par un lanceur d’alerte et l’audit interne qui s’en est suivi ont mis en exergue de nombreuses défaillances dans la lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme : connaissance insuffisante des clients (« procédure du Know Your Customer, « KYC »), de l’origine des fonds et de leurs bénéficiaires effectifs. Cela était surtout vrai s’agissant des vérifications à opérer sur les personnes politiquement exposés et les listes de sanctions nationales et internationales (gel des avoirs etc.). De plus, rien n’était prévu en cas de soupçons concernant des clients ou des transactions. Parmi les transactions ayant servi à du blanchiment d’argent, une majorité comportaient des fonds venant de Russie mais également de Lettonie et de Chypre. Sur demande des autorités bancaires estonienne et danoise, Danske Bank a été contrainte d’adopter des règles anti-blanchiment conformes aux exigences européennes et de renoncer à son portefeuille de clients non-résidents en 2015 et d’en clore tous les comptes en 2016.
Un début de réponse de l’Union européenne
Cette affaire a révélé le handicap structurel de l’Union européenne. En effet, si celle-ci s’est dotée d’une solide législation contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, sa mise en application incombe à chaque Etat membre et échappe donc à l’Union. Or tous les Etats-membres ne manifestent pas la même ardeur pour contrôler le respect de la législation. Vice-président de la Commission européenne pour l’Euro et le Dialogue Social, Valdis Dombrovskis a admis à propos de ce scandale que « La surveillance anti-blanchiment a échoué de trop nombreuses fois dans l’Union européenne ».1
Pour sa part, le Conseil de l’Union européenne (« Conseil ») a publié le 28 novembre 2018 un plan d’action anti-blanchiment2 incluant l’analyse au niveau de l’Union des cas de blanchiment d’argent impliquant des banques en Europe, la mise en place de procédures appropriées d’échange d’informations, le renforcement de la coopération entre les autorités nationales de contrôle des banques et la Banque Centrale Européenne (« BCE ») et l’identification des secteurs devant faire l’objet d’une surveillance accrue. Dès décembre 2018, suivant les propositions de la Commission européenne3, le Conseil a émis sa volonté de renforcer les pouvoirs de surveillance de l’Autorité Bancaire européenne (« ABE »)4 en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Si la réforme est mise en place, l’ABE aura pour mission de :
Contrairement à ce qu’avait proposé la BCE, les Etats-membres gardent une large marge de manœuvre pour infliger des sanctions alors que la BCE aurait souhaité un système centralisé sous la responsabilité d’une agence européenne. Il reste que vient d’être validé « l’accord multilatéral sur les modalités pratiques pour l’échange d’informations »[5] entre la BCE et les superviseurs nationaux en application de la 4ème directive no 2015/849[6]. Il est clair qu’à défaut pour les autorités compétentes en Europe de sanctionner les infractions commises par les banques, les autorités américaines sont prêtes à se montrer particulièrement agressives dans la conduite des investigations qu’elles ont initiées et dans les sanctions qu’elles pourraient infliger sur la base des preuves fournies à l’occasion de ces investigations.
1 http://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-5724_en.htm.
2 Draft Council conclusions on an Anti-Money Laundering Action Plan, November 23, 2018.
3 European Commission, Amended proposal for a Regulation amending Regulation no. 1093/2010 establishing a European Supervisory Authority (European Banking Authority), September 12, 2018, 2017/0230.
4 https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2018/12/19/anti-money-laundering-council-agrees-position-on-reinforced-supervision-for-banks/.
5 https://esas-joint committee.europa.eu/Publications/Other%20Documents/Agreement%20between%20CAs%20and%20the%20ECB%20on%20exchange%20of%20information%20on%20AML.pdf