L’ordonnance n°2019-359, adoptée le 24 avril 2019, vient préciser les changements du titre IV du livre IV du Code de commerce voulus par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 dite Loi EGalim. Parue le 25 avril 2019 au Journal Officiel, l’ordonnance réorganise le livre IV en trois chapitres autour de la transparence dans la relation commerciale, des pratiques commerciales déloyales entre entreprises et des dispositions spécifiques aux produits agricoles et aux denrées alimentaires. Les changements opérés par cette ordonnance doivent être appréhendés dès maintenant par les professionnels au regard de l’entrée en vigueur imminente de ses dispositions.
I) La transparence dans la relation commerciale
Le législateur a, d’abord, clarifié le contenu des conditions générales de vente (CGV) en réaffirmant leur rôle de « socle unique de la négociation commerciale ». Dans ce cadre, un fournisseur est désormais obligé de communiquer au distributeur les modalités de calcul du prix d’un service lorsque celui-ci n’est pas déterminé à l’avance dans les CGV, sous peine de sanctions.
S’agissant des conventions uniques conclues entre fournisseurs et distributeurs ou prestataires de services, l’ordonnance a mis en place deux régimes distincts pour alléger un formalisme jugé parfois excessif. D’une part, a été instauré un régime de base plus souple qui prévoit notamment l’obligation du fournisseur de communiquer ses CGV au distributeur dans un « délai raisonnable », au lieu des trois mois avant la date butoir précédemment prévus. D’autre part, l’ordonnance prévoit un régime plus strict pour les « conventions relatives aux produits de grande consommation », définis comme des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation. La liste de ces produits sera dressée par décret. Ce second régime, plus contraignant, applicable aux relations avec la grande distribution, prévoit la prise en compte des obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties afin de déterminer le prix convenu, la mention du chiffre d’affaires prévisionnel ainsi que la définition du plan d’affaires.
Eu égard à la particulière complexité et longueur de la procédure de sanction, l’ordonnance transforme les sanctions civiles pour défaut de communication des CGV (15.000 € pour les personnes physiques et 75.000 € pour les personnes morales) en sanctions administratives qui pourront, désormais, être prononcées directement par la DGCCRF.
Au sujet de la facturation, l’ordonnance prévoit deux mentions obligatoires supplémentaires devant être insérées sur les factures à compter du 1er octobre 2019, à savoir :
Ces nouvelles dispositions visent à accélérer le règlement des factures et à participer ainsi à l’objectif général de réduction des délais de paiement.
II) Les pratiques commerciales déloyales entre entreprises
L’ordonnance vient simplifier sensiblement les contours des pratiques restrictives de concurrence prévues à l’article L.442-1 du Code de commerce. Il s’agit de recentrer les treize pratiques prévues par l’ancien article L.442-6 autour des trois notions générales de déséquilibre significatif, d’avantage sans contrepartie et de rupture brutale de la relation commerciale. Si cet allégement vise à supprimer des fondements juridiques très peu appliqués par les juridictions commerciales, il n’a en aucun cas pour objet de rendre licites des pratiques commerciales qui étaient sanctionnées sous les anciennes dispositions.
La violation de l’interdiction de revente hors réseau, précédemment sanctionnée par l’article L.442-6 I 6°, est désormais régie par une disposition spécifique : le nouvel article L.442-2 aux termes duquel il est expressément prévu que l’auteur d’une telle violation, même tiers au réseau, engage sa responsabilité s’il participe directement ou indirectement à une telle violation.
S’agissant de la rupture brutale des relations commerciales établies, l’ordonnance modifie l’ancien article L.442-6 I 5° dans l’objectif de donner plus de sécurité juridique aux partenaires commerciaux et réduire le contentieux actuellement pléthorique lié à la cessation des contrats. L’auteur de la rupture de la relation commerciale ne pourra plus voir sa responsabilité engagée s’il respecte un préavis de dix-huit mois. Afin de renforcer la concurrence entre fournisseurs, l’ordonnance supprime le doublement de la durée de préavis en cas de commercialisation de produits sous marque de distributeur ou en cas de mise en concurrence par enchère à distance.
A l’instar des pratiques restrictives, l’ordonnance a également simplifié les dispositions de l’ancien II de l’article L.442-6 relatives aux clauses prohibées, en conservant seulement deux interdictions sur les cinq prévues auparavant, à savoir celle des clauses permettant de bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d’accords de coopération commerciale et de celles des clauses MFN permettant de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant.
Dans un souci de clarté, les modalités de mises en œuvre de l’action en justice concernant les pratiques restrictives de concurrences ont été rassemblées dans le nouvel article L.442-4 qui prévoit expressément que toute personne justifiant d’un intérêt peut demander d’ordonner la cessation des pratiques et de condamner l’auteur à la réparation du préjudice subi.
Si les contours de l’action publique portée par le Ministre de l’économie (DGCCRF) ou le ministère public restent en substance les mêmes, le plafond de l’amende civile est sensiblement augmenté pour atteindre le plus élevé des montants suivants, soit 5 millions d’euros (au lieu de 2 millions d’euros auparavant), soit le triple des sommes indûment perçues ou obtenues par l’entreprise, soit 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Un nouveau chapitre III du titre IV du livre IV rassemble les dispositions anciennement prévues aux articles L.441-2 à L.441-3-1 applicables à la distribution des produits agricoles et des denrées alimentaires.
Les dispositions introduites par l’ordonnance entrent en vigueur dès le lendemain de sa publication à savoir le 26 avril 2019 et s’appliquent à tous les contrats ou avenants conclus postérieurement à cette date, même si l’avenant se rapporte à une convention conclue antérieurement. Les contrats pluriannuels en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance devront être mis en conformité avec les nouvelles dispositions au plus tard 1er mars 2020.